Clotilde BIRON - Avocate à la cour

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Facebook : Les juridictions françaises pourront trancher les litiges opposant le réseau social à ses utilisateurs.

Par une ordonnance de mise en état en date du 5 mars 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré abusive la clause attributive de compétence au profit des tribunaux du comté de Santa Clara, figurant dans les conditions générales d’utilisation du géant californien Facebook.

En l’espèce, un différend s’est élevé entre le réseau social et un internaute dont le compte Facebook a été désactivé à la suite de la mise en ligne d’un contenu jugé contraire aux conditions d’utilisation dudit site (en l’occurrence, il s’agit de la reproduction du tableau « L’origine du monde » de Gustave Courbet).

L’internaute a alors assigné la société Facebook, Inc. devant les juridictions françaises afin d’obtenir la réactivation de son compte. La société californienne n’a pas manqué de soulever leur incompétence, invoquant la clause attributive de compétence contenue dans la « déclaration des droits et responsabilités » dont les conditions avaient été acceptées par l’internaute.

Après avoir relevé que ce dernier ne contestait pas avoir accepté ces conditions générales d’utilisation avant l’ouverture de son compte, le Tribunal de grande instance a rappelé que de telles clauses attributive de compétence, en droit français, étaient tout à fait licites en matière de litiges internationaux, dès lors qu’il n’existe aucune règle de compétence territoriale impérative.

Or, en l’espèce, le Tribunal a noté que le contrat autour duquel s’est cristallisé le litige, consistant en une offre de service d’un réseau social sur internet, n’était soumis à aucune règle de compétence territoriale impérative.

Toutefois, le Tribunal a considéré que la validité de la clause litigieuse devait néanmoins être appréciée au regard de la législation sur les clauses abusives, qui est d’ordre public, et notamment au regard de l’article L132-1 al. 1 du Code de la consommation, selon lequel « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

En l’espèce, le Tribunal a considéré que le contrat litigieux constituait bien un contrat de consommation soumis à la législation sur les clauses abusives, dans la mesure où l’utilisateur, non professionnel, n’avait aucune capacité de négociation des clauses contractuelles imposées par Facebook, dont la qualité de professionnel ne faisait quant à elle aucun doute.

Or, après avoir observé que la clause attributive de compétence obligeait l’internaute à saisir une juridiction particulièrement lointaine et à engager des frais sans aucune proportion avec l’enjeu économique du contrat souscrit, le Tribunal a considéré que cette clause était de nature à dissuader le consommateur d’exercer toute action devant les juridictions et à le priver de tout recours à l’encontre de la société Facebook, Inc.

En conséquence, le Tribunal en a déduit que cette clause avait pour effet de créer au détriment du non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, dès lors, elle devait être déclarée abusive.

Cette clause réputée non écrite, le Tribunal de grande instance s’est alors vu reconnaître compétent pour statuer sur ce litige, par le jeu des règles de compétence classiques, instituées par l’article 4 du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I), l’article 46 du Code de procédure civile et enfin, par l’article L141-5 du Code de la consommation.

Cette décision, qui illustre parfaitement les problématiques procédurales du contentieux international, s’analyse en une vraie victoire pour l’ensemble des internautes en France, qui pourront désormais s’en prévaloir pour saisir les juridictions françaises en cas de litige avec le géant californien.

Référence décision : TGI Paris, 4ème Ch., 2ème Section, Ordonnance du juge de la mise en état, 5 mars 2015, Frédéric X. / Facebook, Inc.