Clotilde BIRON - Avocate à la cour

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Brexit : Quelles conséquences sur les titres de propriété européens ?

Lors du référendum du jeudi 23 juin dernier, les Britanniques ont voté en faveur du Brexit, c’est-à-dire pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. L’occasion de s’interroger sur les incidences de ce prochain départ en matière de propriété intellectuelle.

Quel impact à court terme ?

Que l’on se rassure, cette décision ne devrait avoir aucun impact particulier à court terme en matière de propriété intellectuelle, dans la mesure où le Royaume-Uni doit désormais définir les termes de son départ par la négociation et la conclusion d’un accord de retrait. Conformément à l’article 50 (3) du Traité de Lisbonne, ce n’est qu’à la date d’entrée en vigueur de cet accord ou, à défaut, deux ans après la notification de leur intention de quitter l’UE, que les traités conclus dans le cadre de l’UE cesseront d’être applicables aux Britanniques.

Dans l’immédiat, les titulaires de droits de propriété intellectuelle n’ont donc aucune raison de s’inquiéter sur le champ de protection de leurs marques, dessins et modèles ou brevets, mais doivent cependant rester vigilants quant aux effets du Brexit sur l’étendue de leurs éventuels contrats de licence ou accords de coexistence visant l’Union Européenne. En effet, désormais, pour tout nouveau contrat, il faudra veiller à préciser si cette référence à l’Union Européenne s’entend comme l’UE en tant que territoire (c’est-à-dire dans sa composition à la date de l’accord) ou en tant qu’entité (c’est-à-dire union dont le nombre d’Etats membres est susceptible d’évoluer). Quant aux contrats existants, il est recommandé de vérifier si cette définition y est bien stipulée.

Quel impact lors de la sortie effective du Royaume-Uni ?

En matière de brevets, les conséquences du Brexit sont partagées :

  • S’agissant du brevet européen délivré par l’OEB (Office Européen des Brevets), aucun bouleversement en perspective, puisque ce système, basé sur la Convention sur le Brevet Européen (CBE), est totalement indépendant des institutions de l’UE.
  • S’agissant en revanche du brevet unitaire – en cours de ratification auprès des Etats membres de l’UE faisant partie de la coopération renforcée –, la sortie du Royaume-Uni obligera certainement les Etats membres à amender le Règlement (UE) n°1257/2012 du 17 décembre 2012 (dont l’entrée en vigueur était prévue en 2017) ainsi que l’Accord relatif à la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) du 12 février 2013. La ville de Londres avait été choisie comme localisation d’une annexe de la JUB. Pour les plus pessimistes, la sortie de l’UE risque d’anéantir l’existence même du brevet unitaire, dont l’intérêt financier (au regard du coût du dépôt) devrait être bien moins attrayant sans le Royaume-Uni.

En matière de marques et dessins et modèles, le départ des Britanniques devrait avoir impact significatif sur la marque de l’UE (MUE) et le dessin et modèle communautaire (DMC), qui n’offriront dès lors plus de protection au Royaume-Uni :

  • Pour tout nouveau dépôt de marque ou de dessin et modèle, les titulaires souhaitant obtenir une protection au Royaume-Uni devront donc envisager un dépôt par la voie nationale devant l’UKIPO (Office britannique) ou par la voie internationale devant l’OMPI.
  • Quant aux titulaires de droits existants, une période transitoire devrait être aménagée, afin de leur permettre de « convertir » leurs marques de l’UE ou DMC en titres britanniques. Le système reviendra ainsi à « diviser » leur droit en deux titres distincts : un droit national britannique, d’une part, et un droit européen couvrant les 27 Etats membres restants, d’autre part.

Ces cas de figure ne sont, à ce stade des évènements, que de simples hypothèses, aucune discussion n’ayant été pour le moment amorcée à ce sujet. Les titulaires de droit peuvent d’ailleurs d’ores et déjà anticiper ces bouleversements en procédant à un dépôt britannique de leurs marques ou DMC.

Il n’en demeure pas moins que le Brexit aura nécessairement des incidences sur le champ de protection des titres européens, ne serait-ce qu’au regard de l’obligation d’usage à laquelle sont soumises les marques européennes. En effet, si les titulaires ne peuvent justifier que d’un usage de leurs marques au Royaume-Uni, leurs titres européens seront susceptibles d’être annulés pour défaut d’usage sérieux sur le reste du territoire de l’UE.

Clotilde Biron se tient à votre disposition pour tout complément d’information sur les incidences du Brexit sur l’étendue de protection et la validité de vos droits de propriété intellectuelle.